Restauration d’une commode en arbalète d’époque Régence « aux espagnolettes », galbée toutes faces, en placage de bois de violette sur bâtis de noyer, ouvrant par quatre tiroirs sur trois rangs et coiffée d’un marbre Rouge Griotte belge à oreilles et à bec-de-corbin. Les montants au profil pincé son foncé, tout comme les traverses avant, de cannelures à rudentures en laiton. Son ornementation de bronze de grande qualité à la superbe ciselure et parmi laquelle figurent de très rares espagnolettes ( vu sur six commodes : quatre d’Etienne Doirat, une de François Lieutaud et une enfin de Louis Delaitre), des poignées de tirage « aux bouffons », des côtés galbés en S ponctués de montants arrière dont le décrochement en cavet (contrairement au traditionnel ressaut des commodes Louis XIV et du début Régence) est fortement profilé en concavité.
Etienne Doirat
Etienne Doirat (1665 – 1732) fils du maçon Joseph Doirat et de Michelle Ferlu, sœur de Pierre-Isaac Ferlu, maître marchand-ébéniste, fut l’un des ébénistes les plus importants et talentueux de la période Régence. Il est enregistré au Grand-Rue du Faubourg Saint-Antoine lors de son mariage en 1704. Il obtient sa maitrise entre 1714 et 1718. En effet le 13 octobre 1714 il est mentionné comme ébéniste par un acte notarié pour un transport de droits successifs. Alors que le 5 décembre 1718 réalise un contrat d’apprentissage avec la mention maître ébéniste. En 1726, il installe son atelier dans la cour de la Contrescarpe des Fossés de la Bastille et, en 1731, loue un magasin dans la rue à la mode Saint-Honoré (tenu par son gendre Louis Simon Painsun), l’une des principales adresses parisiennes pour les détaillants de luxe. La production de cet ébéniste, qui travailla toute sa vie durant dans le quartier du Faubourg Saint-Antoine pour une riche clientèle française et étrangère, nous dit Pierre Kjellberg, est synonyme de classicisme et de qualité. Si on connaît assez mal la production de Doirat antérieure à la Régence, puisqu’il n’a marqué ses oeuvres qu’à la fin de cette période et durant les dernières années de sa carrière, les travaux de Jean-Dominique Augarde (Etienne Doirat Menuisier en ébène) ont cependant mis en avant que cet ébéniste avait l’exclusivité de certains modèles de bronzes, parmi lesquels un certain nombre de modèles d’espagnolettes.
Etienne Doirat a été un des rares ébénistes de son époque à apposer son estampille, mais cela seulement a la fin de sa carrière. En trente ans d’activité il a produit un nombre significatif de pièces si l’on juge le volume par son inventaire après décès, mais la plupart de ses œuvres ne sont pas signées.
Il s’agit en tout premier lieu de commodes qui constituent l’essentiel de sa production. L ‘inventaire dressé le 14 juillet 1732, peu de jours après son décès, en mentionne un grand nombre, « en tombeau », « à la Régence », en « Esse », mais fait aussi état de grands bibliothèques, d’armoires, de buffets, de secrétaires, de régulateurs et de divers modèles de tables de jeu, de salon, de chevet. Ces meubles sont fréquemment habillés d’amarante ou de bois de violette, plaqués en feuilles ou marquetés de quadrillages.
Il était, contrairement a ses confrères, propriétaire de son stock de modèles de bronze destinés à son usage exclusif, mentionné dans son inventaire comme « modèles de plomb imparfaits servant de garniture de commodes et autres ».
BIBLIOGRAPHIE
- Le Mobilier Français du XVIIIème Siècle – Pierre Kjellberg – Les Editions de l’Amateur – 1989
- Les ateliers parisiens d’ébénistes et de menuisier aux XVIIe et XVIIIe siècles – Guillaume Janneau – Éditions Serg – 1975
- Etienne Doirat, Menuisier en Ebène – Jean-Dominique Augarde – The J. Paul Getty Museum JournalVol. 13 (1985), pp. 33-52 – Getty Publications
- Antiquités Philippe Glédel
- Archives nationales – Cotes : MC/ET/XXVIII/131 et Cotes : MC/ET/XVI/651
Constat d’état
Au premier regard cette commode pouvait sembler en très bon état mais en y regardant de plus près et en passant la main un peu partout l’on pouvait vite se rendre compte qu’il y a fait de multiples décollements de placage et des déformations importantes des surfaces plaquées.
La restauration
Une restauration complexe car le galbe des côtés de cette commode, le nombre de décollements exigeait un travail de qualité et de précision. Après avoir réaliser quelques greffes de bois de violette les recollages ont donc été effectué sous vide afin de garantir une dispersion parfaite de la colle et surtout de maintenir une pression parfaite sur ces surfaces galbées. Je remercie d’ailleurs Julien HEBRAS de l’Atelier Lemaire pour son judicieux conseil pour la mise sous vide de cette commode.
L’ancienne finition a ensuite été régénérée et une nouvelle finition de vernis au tampon incolore a été appliquée. Les bronzes ont quant à eux, après un passage chez monsieur Bellino à Nice, retrouvée leurs lustres et une patine digne de leurs qualités.
Bonsoir Mathieu, merci pour ton érudition (un restaurateur qui complète le travail de recherche de l’antiquaire sur Doirat, ce n’est pas le premier venu) et merci aussi de ne ne pas avoir explosé la commode (Ahah! J’ai eu peur quand même). A ce sujet il serait je crois instructif que tu rappelles ici la force de pression exercée sur la commode (faut-il convertir des bars-pression en tonnes-force ? … c’est une demande de littéraire, pas du tout d’un matheux) et comment tu l’as protégée, à moins que tu veuilles garder quelques ingrédients de tes « recettes ». Encore bravo et à bientôt. Philippe
Merci Philippe,
Alors en théorie La pression atmosphérique est d’environ 0,85 kg /cm2. (Presque 9 tonnes par m²) après en dans la pratique elle est légèrement plus faible surtout sur ce genre de collages et le remplissage de la commode c’est fait avec des sac en tissu rempli de billes de d’argiles afin de répartir la pression intérieur, et qu’il n’y ai aucuns vides.
A bientôt