Restauration par Lise lors de son stage à l’atelier, d’une commode Louis XVI estampillée de Jean Lapie, bâtie en chêne, sapin et hêtre, placage de bois de rose avec un filet en charme et amarante, bronze doré. Et comme Lise m’a remis un très bon rapport de stage, je vous le publie dans sa quasi intégralité.
Jean Lapie
Jean Lapie (dit Le jeune), fils du faïencier Nicolas Lapie, est né vers 1734. Frère de l’ébéniste Nicolas-Alexandre Lapie (dit l’ainé) et cousin de Jean-François Lapie, il obtient sa maîtrise à Paris le 31 juillet 1762. Après avoir travaillé rue de la Roquette, il établit son atelier à son domicile rue de Charenton au Faubourg Saint Antoine. Le 25 octobre 1761 il prend comme alloué Charles MATHIEU, 11 ans, pour 5 ans, fils de Joseph MATHIEU, garçon de chantier, rue de Bercy1. En 1775, à la mort de son frère Nicolas-Alexandre, il deviendra le tuteur de ses quatre enfants mineurs qu’il avait eu avec sa première femme Marguerite Lemaitre.2
L’estampille de Jean Lapie se fait plutôt rare du fait qu’il ait principalement travaillé pour ses confrères et des marchands merciers. D’ailleurs, son estampille se trouve principalement sur des meubles Louis XVI qui correspondent à une production postérieure au décès de son frère, pour qui il devait être le principal sous traitant. Comme beaucoup de maîtres artisans, éprouvé par la révolution, il mettra fin à son activité le 1er juillet 1790.
BIBLIOGRAPHIE
- Le Mobilier Français du XVIIIème Siècle – Pierre Kjellberg – Les Editions de l’Amateur – 1989
- Les ateliers parisiens d’ébénistes et de menuisier aux XVIIe et XVIIIe siècles – Guillaume Janneau – Éditions Serg – 1975
- https://www.siv.archives-nationales.culture.gouv.fr/siv/rechercheconsultation/consultation/ir/consultationIR.action?consIr=&frontIr=&optionFullText=&fullText=&defaultResultPerPage=&irId=FRAN_IR_041782&formCaller=GENERALISTE&gotoArchivesNums=false&auSeinIR=false&details=true&page=&udId=c1p6xhmr1waj–1aos7wei6xb3yh ↩︎
- https://www.siv.archives-nationales.culture.gouv.fr/siv/rechercheconsultation/consultation/ir/consultationIR.action?consIr=&frontIr=&optionFullText=&fullText=&defaultResultPerPage=&irId=FRAN_IR_041783&formCaller=GENERALISTE&gotoArchivesNums=false&auSeinIR=false&details=true&page=&udId=c1p6xi39v9gr-1fhmnmzsgyq60 ↩︎
Présentation de la commode
Cette commode s’ouvre en façade par trois rangs de tiroirs superposés. Le rang supérieur est divisé en trois tiroirs juxtaposés, plaqués en frisage de bois de rose disposés en ailes de papillon soulignés par des filets de charme et amarante. Commode de forme rectangulaire à ressaut central avec montants arrondis. Elle repose sur quatre pieds fuselés. Les bronzes sont composés de bagues sur les piètements, de poignées de tirages en anneaux, d’entrées de serrures en ruban noué et de deux chutes sur les montants. Une inscription à la sanguine à l’intérieur du bâti (1788 CHARPENTIER) pourrait faire référence à l’année de création de la commode suivie du nom d’un sous-traitant. En effet, on trouve le 14 mars 1781 une créance de Jean Lapie pour Pierre CHARPENTIER, ébéniste.
1788 Charpentier
Constat d’état, synthèse des altérations
Le placage était déshydraté, il y avait des décollements ainsi que plusieurs cloches et quelques lacunes. Des ajouts d’une ancienne restauration de placage avaient été faits dans une essence différente (merisier) au bois d’origine (bois de rose). Les panneaux arrière, dessus et fond s’étaient rétractés et certains étaient désolidarisés. Des assemblages étaient fragilisés voire détériorés, une joue de mortaise ainsi qu’un tenon étaient endommagés et le bâti du meuble était gauche. Les panneaux de côté avaient des fissures visibles à l’intérieur du meuble.
Description des interventions
Le démontage
Au vu des lacunes sur certains assemblages ainsi que du gauche du bâti, le démontage du meuble a été retenu. Pour cela, une prise de cote des panneaux avant démontage a été faite pour la réalisation postérieure d’alèses. Les panneaux se sont rétractés avec le temps, un alésage devra être envisagé pour qu’ils retrouvent leurs cotes de fabrication. Les bronzes ont été déposés et nettoyés aux ultrasons. Après un établissement de chaque pièce, la commode a été démontée. Le meuble était entièrement cloué en plus d’avoir été collé, sûrement l’action d’une précédente restauration. Au moment du démontage, les clous ont été retirés des assemblages.
Les panneaux
Les panneaux ont été, recollés et alésés, à la colle de poisson, pour ceux qui avaient rétréci. Le bois d’apport choisi était le sapin et le chêne, bois d’origine des panneaux.
Collage et réhydratation des éléments plaqués
Une réhydratation des surfaces plaquées a été réalisée. Les ajouts de placages qui n’étaient pas du bois de rose ont été changés. Les lacunes ont été restituées en placage scié et les cloches recollées. Pour cela, un examen minutieux et un soulèvement de toutes les parties où la colle était déshydratée et avait perdu sa fonction adhérente a été réalisée à l’aide d’un scalpel. Les lacunes et les ajouts ont été comblés avec un bois de même épaisseur et essence que le placage d’origine. Pour cela, chaque pièce a été préparée, mise aux cotes et ainsi que raclage/ponçage avant d’être mise en forme et collée à la colle chaude pour garantir leur maintien.
Pour la réhydratation des deux côtés du meuble ainsi que les deux grands tiroirs. Ils ont été réhydratés sous vide. Une colle infiltrante a été posée en cataplasme sous presse sous vide. Après cette période, les pièces ont été nettoyées du surplus de colle et mises sous presse sous vide. Chaque élément était recouvert de cale en isorel découpé à sa forme, puis mis sous chaleur et sous vide pour le collage.
Pour les petits tiroirs, un collage du placage aux serre-joints et à la colle chaude a été réalisé. Après un cataplasme de colle infiltrante sous cellophane. Cette action permet de garder l’humidité et d’éviter le séchage de la colle, mais également de faciliter l’infiltration de celle-ci dans les joints et de passer sous le placage. Ensuite, la colle a été nettoyée. Puis les façades ont été pressées aux serre-joint , pour garantir la planéité du placage et le collage des pièces. Une superposition : papier antiadhésif, cale chaude (isorel chaud), cale molle (liège), cale dure a été réalisée. Cette action permet de mettre à niveau les surfaces tout en respectant les formes de la pièce.
Quant aux traverses centrales, elles possédaient le plus grand nombre de décollements. Les pièces qui ne tenaient peu ou plus, ont été décollées et recollées de manière traditionnelle à la colle chaude. Puis elles ont été pressées au serre-joint, pour garantir la planéité et le collage des pièces. Une superposition : papier antiadhésif, cale chaude (isorel chaud), cale molle (liège), cale dure a été réalisée.
Les deux grands tiroirs qui ont été décollés ont été recollés à la colle de poisson en vérifiant bien leur pigeage.
Restauration du bâti
Les assemblages ont tous été révisés pour vérifier leur bon emboîtement, afin de réaliser un montage à blanc de la commode en vue de son futur collage. Plusieurs assemblages altérés ont été consolidés par des greffes. Un tenon a été restitué par un tenon à peigne, et deux joues de mortaise ont été renforcées par des greffes. Le bois d’apport choisi était le hêtre, bois d’origine des assemblages endommagés.
La commode a été collée à la colle de poisson et à l’aide de serre-joints. Après avoir enlevé les serre-joints, les tiroirs et leurs coulissages ont été vérifiés et ajustés, en jouant sur leur équerrage ou en arrangeant les coulisseaux. Recollage du placage sur les montants qui se mettaient après collage des traverses. Collage à la colle chaude et cale chaude (isorel chaud), cale molle (liège), cale dure puis serre-joint. Un flipot a été réalisé pour combler une fente sur le panneau arrière. Il a été coupé à la scie à ruban et collé à la colle chaude.
Finition
Nettoyage de la commode à l’eau chaude, pour enlever les derniers résidus de colle chaude et de colle de poisson. Ensuite, les intérieurs des tiroirs avaient des tissus collés à la colle Néoprène, j’ai dû utiliser l’acétone pour pouvoir retirer les résidus. Afin d’harmoniser les pièces d’apport au bois d’origine. Une oxydation sur le bois de rose a été réalisée. Ensuite, le meuble a été entièrement rempli à la ponce. Après un léger égrenage pour enlever les amas de ponce, la commode a été vernie au tampon incolore.
Avant / Après