Restauration d’une table à jeux ou tric-trac, d’époque Louis XV en marqueterie à dez (ou de cubes) en placage d’amarante, bois de rose, bois de violette, palissandre, ébène et ivoire. Cette table est estampillé de l’ébéniste parisien Pierre Roussel (28 septembre 1723 – 7 juin 1782).
Les Roussel
Fils de Michel Roussel compagnon ébéniste originaire du Cotentin, il est le seul à choisir l’ébénisterie plutôt que la menuiserie comme ses frères cadets Jacques, Michel et Louis, Pierre Roussel obtient sa maîtrise le 21 aout 1745 et s’installe dans le faubourg Saint Antoine, rue de Charenton en face de la rue Saint-Nicolas à l’enseigne « L’image de saint Pierre ». Il acquiert rapidement une grande notoriété parmi les premiers ébénistes de la capitale, qui lui ouvre le titre de juré en 1762, puis juré comptable en 1763-1764. En 1767 il est choisi comme expert afin d’arbitrer un différend entre son confrère Grandjean et un commissionnaire en meubles. Reconnu et apprécié par ses pairs, il devient député du corps des ébénistes en 1777, puis syndic adjoint en 1779 et enfin syndic l’année suivante. De 1775 à 1780, il reçut du prince de Condé des commandes se montant à un total d’environ 10.000 livres pour le Palais-Bourbon et le château de Chantilly.
La petite fortune qu’il gagna lui permit de marier une de ses quatre filles à un notaire du Châtelet; une autre épousa un commis au greffe de la Chambre des Comptes.
Il travailla pour ses confrères ébénistes et marchands comme Pierre Migeon IV, Adrien Delorme, Joseph Baumhauer, Jean Pierre Latz et Mathieu Guillaume Cramer.
Il a fourni Honet et Thurin en 1769, puis Bétault et Ravary en 1771. Il fit travailler les bronziers Joseph Noël Turpin, André Ravrio, Dubost et le doreur Trufot.
Pierre Roussel décéda subitement à l’âge de cinquante-neuf ans. L’inventaire de ses marchandises, dressé après sa mort par les ébénistes Leleu et Cochois, atteste la prospérité de la maison. Sa succession comprenait 244 pièces représentant un total de 18 000 livres. Dans les ateliers et magasins se trouvaient une cinquantaine de commodes, tant « carrées » que « circulaires » (on nommait ainsi celles en demi-lune), d’autres commodes « en tombeau » et « en console », des tables à l’anglaise, à la Dauphine, à déjeuner, à plusieurs fins, et quantité de différents ouvrages en marqueterie ou en mosaïque de bois des Indes, en laque et en acajou.
Il signa ses œuvres de l’estampille « P.ROUSSEL ». Si Pierre « le Jeune » continue d’utiliser la même estampille que son père après sa mort, Pierre-Michel déposera un poinçon légèrement différent : lettres plus hautes, plus rondes et sans léger empattement.
La veuve Roussel, née Marie-Antoinette Fontaine, continua de gérer l’établissement et garda, suivant la règle, la marque de son mari pour signer les travaux de ses fils associés avec elle. Ces artisans avaient fait leurs preuves : l’aîné, Pierre-Michel, possédait la maîtrise depuis le 28 août 1766; le second, Pierre, dit « le jeune », depuis le 13 août 1771. Celui-ci resta auprès de sa mère, tandis que le premier exploitait au 310 rue Saint-Honoré, à côté du couvent des Jacobins, une sorte de succursale spécialement consacrée aux meubles de luxe. Il conserva la faveur du prince de Condé et devint un des fournisseurs de la Cour. Au nombre des pièces inscrites sous son nom dans les comptes royaux, figurent un « secrétaire d’acajou moucheté avec des encoignures sur les côtés, orné de jolis bronzes », et une bibliothèque assortie qui portait également des étagères latérales. Il vend son fonds de commerce au mois de Fructidor de l’an II (août – septembre 1793) et se retire rue de Gramont ou il décède le 15 décembre 1822 à la tête d’une importante fortune.
Pierre le jeune figure en 1785 et 1786 comme fournisseurs aux Menus Plaisirs de Versailles puis, en 1792, il s’associait avec un sieur Durantin pour entreprendre le commerce des bois exotiques. Après 1813 ont perd sa trace. On le sait encore en vie en 1820.
BIBLIOGRAPHIE
- Le Mobilier Français du XVIIIème Siècle – Pierre Kjellberg – Les Editions de l’Amateur – 2008
- Les ébénistes du XVIIIe siècle – Comte François de Salverte – Les éditions d’Art et d’Histoire – 1975
- Les Roussel : Une dynastie d’ébénistes au XVIIIe siècle Relié – François Quéré – Faton – 2012
Constat d’état avant restauration
Pour une fois un meuble en bon état mais avec un cahier des charges assez compliqué. Faire revivre et harmoniser les couleurs des cubes sans fond. Et bien sur cela dans un esprit de déontologie et de conservation de l’oeuvre et de son histoire.
La restauration
Le premier travail a été de décaper l’ancien vernis jaunis et de recoller les quelques morceaux de placages qui se décollaient. Ce qui a permis de redécouvrir les deux couleurs d’ivoire utilisé pour le tric trac et la couleur verte se trouvant sur les cubes du plateau de la table. En effet ceux-ci ont été épargnés à la décoloration due au rayons UV. Le plus dur du travail s’annonçait donc. Après de multiples essais j’ai enfin trouvé une teinte proche de la couleur des cubes du plateau. Afin de réveiller la couleur du bois de rose et de violette des cubes, j’ai appliqué une solution d’acide oxalique diluée avant de reprendre tous les cubes verts à la teinte.
Le meuble a été ensuite vernis au tampon incolore et les bronzes nettoyés ont retrouvé leurs places.
Pour voir les restaurations sur précédentes : https://ebenisterie-mathieuvath.fr/en-ce-moment-a-latelier/