Bureau à 8 pieds Boulle

Ebénisterie Mathieu Vath

Voici une restauration effectuée en début d’année par Raphaël. Un travail long, mais concluant. J’ai eu l’occasion de revoir ce bureau récemment et il a parfaitement réagi aux fortes variations de température et d’hygrométrie. La suite de ce rapport de restauration a été rédigée par Raphaël.

Un bureau « Mazarin »

Ce bureau est d’époque Louis XIV, il est recouvert d’une marqueterie Boulle composé de laiton sur fond d’écaille de tortue rouge. La caisse est soutenue par huit pieds en console reliés quatre à quatre par une entretoise en X. Il s’ouvre en façade de sept tiroirs, six d’entre eux se situent respectivement de chaque côté dans les deux caissons, le septième qui est plus large, se situe au centre, sous lequel il y a une niche en retrait, fermée par un abattant. Toutes les parties massives sont en sapin, les bronzes qui ornent le piétement sont dorés et le plateau est entouré d’une lingotière.

 Le plateau présente une décoration riche en arabesques, inspirées des œuvres de Jean Ier Berain. Au centre, un trio de personnages euphoriques est entouré de vases, de chimères et d’animaux. Les décors de chaque côté du plateau, bien que provenant de paquets distincts, se répondent harmonieusement. On y observe un entrelacement complexe de chimères, d’arabesques de rinceaux et de fleurons, le tout sur un fond d’écaille.

Les côtés présentent en leur centre un duo d’enfants jouant sur un jeu à bascule, surplombé d’un lustre. L’ensemble est encadré de rinceaux et de fleurons, ainsi que de quelques animaux. Les tiroirs sont ornés de personnages tenant une coupe et une jarre, accompagnés de draperies, de rinceaux et de fleurons. Au centre de l’abattant, un personnage danse entouré de singes musiciens, d’oiseaux et de lapins.

Les pieds, les montants et les entretoises sont simplement recouverts de rinceaux et fleurons.

Ebénisterie Mathieu Vath
Avant restauration

Jean Bérain père (1640-1711)

Fils et petit-fils d’arquebusiers lorrains, Jean Bérain grandit à Paris, où sa famille s’est installée pour fuir les horreurs de la guerre de Trente Ans. Il apprend le dessin et la gravure au sein de sa famille et étudie auprès de Charles Le Brun. Il ne fréquente pas l’Académie royale de Peinture et de Sculpture et ne voyage pas en Italie. Il acquiert une certaine célébrité en tant qu’organisateur de spectacles, rattaché à l’administration des Menus Plaisirs. En 1674, il est nommé à la cour de Louis XIV en tant que dessinateur de la Chambre et du Cabinet du Roi. Il dessine des costumes et des décors de théâtre, conçoit des machineries. Par ce biais, il côtoie une riche clientèle qui lui commande des décors intérieurs et pérennes. Il fournit des modèles de plafonds, lambris, cheminées, meubles, tapisseries et organise à l’occasion quelques pompes funèbres. Décédé à l’âge de 72 ans, dans son appartement aux galeries du Louvre, il fut inhumé en l’église Saint-Germain-l’Auxerrois. Son fils, Jean Bérain, continuera son œuvre.

LE  STYLE BERAIN

Ce style se caractérise par l’utilisation du thème des grotesques, cher au XVIe siècle et à l’école de Fontainebleau, traité de manière très personnelle, et par un goût prononcé pour les grandes architectures classiques. Les compositions sont toujours centrées, encadrées de portiques fantaisistes ou de lambrequins, ornées symétriquement de volutes et peuplées de petits personnages fantastiques ou de figures allégoriques. L’artiste utilise l’aquarelle, et ses dessins présentent une grande délicatesse de trait. Ses compositions d’arabesques, toujours équilibrées, préfigurent l’arabesque de Claude Audran, encore plus légère, et celle de Watteau.

Constat d’état

La première dégradation observée était due à un vernis polyuréthane. Des cloques de vernis sont apparues de manière diffuse sur le plateau, mais uniquement à cet emplacement. De plus, la surface est déformée par les différences d’épaisseur des laitons. Le retrait de cette couche de vernis a permis de constater que cette différence était due à l’utilisation de colles modernes cyanolites. Or, ce type de colle est déconseillé pour la restauration en raison de son caractère irréversible. Le vernis a eu pour effet additionnel d’empêcher le meuble de respirer, ce qui a entraîné le décollage d’une partie importante des laitons.

Le caisson et les tiroirs sont recouverts d’un vernis moins épais. On observe quelques pièces de laiton décollées, ainsi que des fentes au centre de chaque côté. Les pieds sont en bon état, malgré quelques désaffleures. Les entretoises présentent également quelques décollements de laiton.

Au niveau structurel, le piétement se désolidarise partiellement de la caisse, un des pieds étant déjà décollé à son arrivée en atelier.

La restauration

La majeure partie du travail a donc consisté à retirer ce vernis polyuréthane. Ce travail a été réalisé au scalpel, à deux personnes (merci Paul). Cette étape terminée, nous avons pu restaurer ce meuble de manière habituelle. Les marqueteries ont été réhydratées par infiltration de colle sous vide pour les tiroirs et le plateau qui a été déposé. Cette opération a été réalisée avec des cales de formes pour les traverses avant et les côtés. Environ 80 % des laitsons du plateau ont été déposés. Les résidus de colle vinylique et de colle cyanolite ont été retirés afin de redonner une bonne adhérence au laiton. Ces pièces ont ensuite été recollées à la colle de poisson Ichtyocolle à chaud. Enfin, une finition gomme laque au tampon a été appliquée.

Ebénisterie Mathieu Vath

Ebénisterie Mathieu Vath
Après restauration

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