Armoire de Bretteville l’Orgueilleuse

Ebénisterie Mathieu Vath

C’est au milieu du XVIIeme que prend naissance ce que nous appelons aujourd’hui l’armoire Normande. Mais c’est à partir du XVIIIième siècle qu‘elle prend la forme caractéristique qu’on lui connaît aujourd’hui : avec ces deux portes, reposant sur des pieds galbés et munie d’une ample corniche à large décoration sculptée, elle allie structure et répertoire Louis XV aux motifs Louis XVI. C’est à cette même époque de stabilité économique et sociale permettant une certaine élévation des conditions de vie qu’elle entre dans les demeures bourgeoises et paysannes. Le XIXeme sera quand à lui l’âge d’or de l’armoire normande.

Destiné à serrer le trousseau de la mariée, le linge et les économies du couple, elle n’était pas forcément placée dans la chambre des époux, mais occupait la meilleure place de la plus belle pièce, car elle représentait aussi un symbole du rang social de la jeune épousée.

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Après restauration

La fabrication de l´armoire normande débute dès la naissance d´une fille dans la famille. La tradition veut que le père fasse couper un chêne entre noel et le Nouvel An, période durant laquelle la sève des arbres est au repos, de manière à ce que les fibres du bois soient plus resserrées.  On attend alors la communion de la jeune fille avant de débiter le bois en planches et de le laisser sécher jusqu’au mariage de la demoiselle.

Les ornements sculptés dans le bois de l´armoire normande sont souvent très chargés et dépendent de la richesse du père. Plus il sera riche et plus les sculptures seront nombreuses : corbeille de fleurs, au couple de colombes se becquetant, au carquois garni de flèches et croisé par une torche ou au panier fleuri sculptés en haut-relief au centre de la corniche, médaillons obliques ornés de divers attributs sur les panneaux chantournés.

Les ornements sont également symboliques, par exemple, un père agriculteur fera exécuter des motifs en forme d´épis de blé, un père cultivant des fruits fera reporter des sculptures représentant des corbeilles de fruit sur le fronton de l´armoire.

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Bouquet centrale et son vase Médicis

Si une armoire à rose unique était le modèle le plus simple, celle à plusieurs roses était le plus riche, beauté et prix dépendant en effet de l’ornementation et du nombre de ces fleurs. Mais il est plus rare de rencontrer la fleur ou le fruit du pommier symbole du « péché ».

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Marguerite centrale et deux rose pour le bouquet des portes

Il existe une multitude de type d’armoire Normande, ont compte autant de variantes que de villages dans ces d’épatements : Manche, Orne, Calvados, Seine-Maritime, Eure et Cotentin.

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Faux dormant en forme de colonne cannelée et sculptée

Les armoires les plus riches étaient celles fabriquées dans la plaine de Caen. Celle ci forme une partie du Bessin. Elle est est une région fertile, très riche en limon calcaire qui y a favorisé le développement d’importantes exploitations. Dès le début du XIXe siècle, cette région, au contraire du bocage mais bien plutôt comparablement au plateau du Pays de Caux, était en quelque sorte la Beauce normande. Ainsi les exploitations couvraient en moyenne plus de 50 hectares et parfois bien davantage, les bâtiments y avaient l’allure de véritables manoirs-forteresses, certains très anciens étaient d’ailleurs nés du repli sur leurs terres de grands propriétaires fonciers de la noblesse.

D’une manière générale, le chêne reste le bois de prédilection, notamment le chêne « merrain » dont on apprécie l’effet marbré très décoratif. Le chêne maillé est obtenu, à l’inverse du sciage de long, par un débit de l’arbre en quartiers. Il nécessite des arbres centenaires et sans défauts et induit davantage de pertes puisque le sciage n’est pas parallèle (similaire aux quartiers d’une orange). Bien plus coûteux, il présente l’avantage d’être à la fois plus léger et plus solide, mais surtout il apparaît, de part ses moirures, beaucoup plus beau une fois ciré ou vernis. Les meilleurs ateliers normands se sont spécialisés dans la fabrication de meubles en chêne merrain

Le merisier, l’orme et le sapin, bien que plus modestes, font partie des essences également utilisées. 

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Ebénisterie Mathieu Vath

BIBLIOGRAPHIE

  • Merveilleuses Armoires Normandes – Jacques Mahier – Editions Charles Corlet – 2014
  • Mobilier régional Basse Normandie – Masson – 1998

Pour voir les restaurations précédentes : https://ebenisterie-mathieuvath.fr/en-ce-moment-a-latelier/

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