C’est la seconde fois que j’ai l’occasion de travailler sur ce type de table réalisée par l’atelier de Louis Majorelle dans les années 1920-1930.
Vous trouverez d’ailleurs toutes les informations sur ce type de table sur le lien suivant : https://ebenisterie-mathieuvath.fr/2019/08/29/table-majorelle/
Côté restauration il s’agit plus d’une restauration préventive. En effet, il n’y a pas de gros dégâts, quelques greffes de placages et le recollage d’une grande partie du placage de chant ont suffit à remettre en état cette jolie table plaquée de palissandre de Rio.
Une occasion pour moi de vous parler de ce bois si précieux que sont les palissandres.
Le palissandre est une espèce qui pousse dans les tropiques sur plusieurs continents : Amérique, Asie et Afrique. Ce sont des lianes, des arbustes ou des arbres. Ils sont tous issus du genre Dalbergia, mais en ébénisterie certains d’entre eux sont connus sous d’autres noms : bois de rose (Dalbergia decipulares), bois de violette (Dalbergia caerensis), ébène de Mozambique (Dalbergia menaloxylon). Il en existerai entre 150 et 600 espèces selon les différents sources existantes.
Les bois de ces arbres sont très denses (0,85-1), de sorte qu’ils flottent à peine, ils sont également très durs, résistants à la vermine et à l’humidité. L’espèce la plus recherchée est le Dalbergia Nigra plus connu sous le nom de Palissandre de Rio.
De par sa notoriété le Palissandre de Rio a quasiment disparu du marché, il est interdit à la vente pour tous les spécimens coupés après 1992. Depuis janvier 2017, l’ensemble des espèces du genre Dalbergia a été ajouté à l’Annexe II de la législation de la CITES ( Convention sur le commerce International des Espèces de faune et flore sauvages menacées d’Extinction dite Convention de Washington).
Définition de l’Annexe II : Espèces sous forte pression à l’échelle internationale, qui pourraient à l’avenir être menacées d’extinction, et dont le commerce international doit être régulé pour prévenir le risque de surexploitation.
Le Palissandre à travers l’histoire dans l’ébénisterie
A la fin du XVIIe siècle au Brésil, le Palissandre est le bois le plus recherché pour le mobilier de luxe civil et le mobilier religieux. L’importation en France qui passait d’abord par la Hollande se fait à la fin du siècle par le Havre et Rouen en provenance de Lisbonne.
Apprécié à peu près à toutes les époques depuis son introduction dans l’ébénisterie parisienne sous la Régence. Dès 1700, les ébénistes utilisent le Palissandre. Toutefois, on ne trouve pas dans le mobilier royal autant de Palissandre que de bois de rose. Roubo trouvait ce bois « triste et désagréable ». Mais il devait s’en servir en marqueterie ou pour des détails d’ornementation.
Sous la Révolution et l’Empire, le Palissandre est très peu employé. La Restauration remet à l’honneur les bois indigènes comme le bois de violette, l’amarante et le Palissandre pour des baguettes ou des incrustations.
Dès Charles X, il y a un regain pour les bois sombres et sous Louis Philippe, la tendance se confirme.
A l’Exposition de 1834, Flachat et Moléon vantent le Palissandre « qui prend la place de l’acajou dans nos ameublements de luxe ». Désormais, l’utilisation du Palissandre est courante pour toutes sortes de meubles : chaise, fauteuil, secrétaire. Le rôle du Palissandre n’est plus le même, il sert de fond comme l’ébène et l’acajou pour mettre en valeur un décor incrusté de couleur claire ( ivoire, houx, citronnier et même bois blanc).
Sous le Second Empire, le bois n’est plus souvent qu’un support qui disparaît sous l’abondance d’un décor : bois colorés, métaux, porcelaine, pierre dure.
A l’exposition de 1855, le Palissandre tient une place importante dans les meubles présentés. Jusqu’à la fin du siècle, le Palissandre est le bois le plus employé et le plus recherché.
L’Art-Nouveau utilise peu le Palissandre. Cependant certains artistes font appel à ce bois pour des pièces exceptionnelles.
A l’époque de l’Art-Déco, le Palissandre est un bois les plus en faveur. Il est rarement employé en massif, mais plutôt comme un élément du meuble. De plus, il est souvent employé avec d’autres bois comme l’acajou, lambine, l’amourette. Sa couleur sombre est travaillé en contraste avec de la nacre, de l’ivoire , du laiton,…
Les différentes essences de Palissandre les plus utilisées en ébénisterie suivants les continents :
Palissandres d’Amérique
- Palissandre de Rio (Dalbergia nigra)
- Provenance : Brésil.
- Description : C’est le Palissandre le plus utilisé en ébénisterie. On le trouve depuis la fin du XVIe siècle jusqu’aux années 1970. Son utilisation massive, l’a fait se classer comme espèce menacée, son commerce est donc interdit.
- NB – Le Palissandre de Santos (coloris similaire au P. De Rio, de plus en plus utilisé en substitution du P. De Rio), n’est pas un vrai Palissandre puisqu’il fait partie de l’espèce : Caesalpinia ferrea
- Palissandre du Honduras (Dalbergia Stevensonii)
- Provenance : Amerique centrale, Amerique du sud
- Description : c’est un bois dur (densité 0. 96), qui s’identifie par ses couleurs spécifiques brun rosé à rougeâtre. Il est utilisé principalement dans la fabrication des instruments de musiques.
- Cocobolo (Dalbergia Retusa)
- Provenance : Amérique centrale. Costa-Rica. Nicaragua. Mexique. Honduras
- Description : Ce Palissandre aux couleurs chatoyantes fut utilisé dès le début du XVIe siècle sur les meubles Espagnols. Dès le début du XVIIe et XVIIIe siècles on le trouve sur des meubles Hollandais, Français et Anglais. Il est recherché surtout par les marqueteurs grâce à son aspect très décoratif.
- Bois de rose (Dalbergia variabilis)
- Provenance : Guyane. Brésil.
- Description : Il existe deux sortes de bois de rose : celle servant à la distillation pour les parfums (bois de rose femelle) qui n’a aucun intérêt esthétique en marqueterie. Et le bois mâle employé au XVIIIE siècle pour faire des fleurs dans les bouquets de marqueterie, d’où le nom anglais « Tulipwood ». Tandis que son nom français lui vient de sa couleur et de son odeur.
- Bois : Bois de violette (Dalbergia cearensis)
- Provenance : Brésil
- Description : Il fut d’abord appelé « bois violet » à cause de sa couleur et devient « violette » durant le XIXe siècle, car il y avait une confusion avec l’amarante qui est également violet. Il fut utilisé dès le XVIIe siècle et sa préciosité lui vaut le surnom de « kingwood » par les Anglais.
Palissandre d’Asie
- Palissandre des Indes (Dalbergia Latifolia)
- Provenance : Inde du sud. Birmanie. Indonésie.
- Description : Il est utilisé dans l’ébénisterie française que depuis la deuxième moitié du XIXe siècle. Il connu son apogée durant la période Art-Déco. On le retrouve ensuite dans les années 1950 à 1960. Aujourd’hui il sert surtout en panneaux décoratifs et dans le mobilier.
- Palissandre du Viêt-Nam (Dalbergia bariensis)
- Provenance : Asie du Sud-Est
- Description : De couleur rouge brun/brun violacé il est utilisé principalement depuis le XXème siècle.
Palissandre d’Afrique
- Palissandre de Madagascar (Dalbergia Voamboana)
- Provenance : Madagascar.
- Description : Il fut beaucoup utilisé à la fin du XIXe siècle et au début du XXIe siècle pour la fabrication de copies de meubles du XVIIIe siècle. De nos jours c’est un bois qui est très recherché en ébénisterie, marqueterie, menuiserie fine et parquets de luxe. Il est également employé pour un usage extérieur : meubles de jardins, piscines, portails, pergolas, caillebotis. Son utilisation principale reste tout de même dans le mobilier de luxe.
- Ebène du Mozambique (Dalbergia melanoxylon)
- Provenance : Mozambique. Sénégal.
- Description : On le nomme également « Blackwood » ou « Grenadille d’Afrique ». Ce bois est appelé ébène mais c’est bien un palissandre puisque c’est un Dalbergia et non un Diospyros (ébène). Il fut très utilisé depuis l’Antiquité en sculpture, massif et placage. On le trouve sur des pièces de mobilier égyptien. En Europe, il fut utilisé dès le Moyen-Age. Il est surtout employé en lutherie, il sert à tourner la plupart des instruments à vent : clarinette, hautbois, basson,…
Sources :
http://www.george-veneers.com/recup_donnees_bois.php
- Les bois d’ébénisterie dans le mobilier français de Jacqueline Viaux-Locquin